Yves Tillenon, le Païen
Le 20 octobre 1943, à Paris, disparaissait mon grand-père paternel Yves Tillenon, le Druide porte-glaive "Al Louzaouer".
Yves Tillenon a laissé le souvenir d’un personnage au fort caractère, tant dans le mouvement breton que dans son Pays Païen d’origine, "ar Vro Bagan". Dès son plus jeune âge, il s’illustre par son esprit ludique, quelques tours pendables et fugues retentissantes du Collège St François de Lesneven, ce qui lui vaut l’honneur d’être émancipé à dix-sept ans et de goûter à Brest et à Quimper la paille humide des cachots… Très tôt il s’intéresse au celtisme et adhère aux Etudiants Bretons de Rennes, ville où il faisait alors ses études de pharmacie. Il collabore à Kroaz ar Vretoned, journal monolingue breton, ouvre une école de breton à Brest, adhère à l’URB puis au premier PNB. Il trouve le temps de bourlinguer en Irlande, au Pays de Galles et de flamber une première fortune, issue d’héritage, lors des nombreuses fêtes qu’il organise avec les Bardes de l’époque. Quand à sa deuxième fortune, due à son premier mariage avec une demoiselle Suhard de Rennes, il la disperse royalement dans tous les lupanars du vieux Brest, dans la joyeuse compagnie des mêmes Bardes. A cette époque il semblait que la Bretagne dût vivre éternellement, dans sa magnifique réalité, quotidienne et vraie, au rythme de son grand peuple paysan. Elle ne s’était pas encore réfugiée dans les rêves de quelques isolés.
Arrive 1914. Yves Tillenon, marié, père de deux enfants, n’est pas mobilisable. Il choisit donc de s’engager dans un régiment de bretonnants ( 80% des effectifs, les francophones en bavaient…) qui le conduit au Maroc et en Algérie. Il en revient cinq ans plus tard avec la médaille militaire, un œil en moins, une femme en plus. Il se remarie en effet avec une demoiselle Cogny, fille de colons. Nous avons du mal à le suivre alors entre Marseille, Londres, Berlin, Honfleur, Nantes, Le Havre, Brest, Paris, Roye, Alfortville, exerçant plusieurs métiers, faisant quatre nouveaux enfants, revendant et rachetant tour à tour ses pharmacies, au gré de son vouloir et de ses déménagements, reprenant des études et passant Licence en Droit…
On retrouve sa trace dans de nombreux journaux et revues : Breiz Atao, An Oaled, Le Consortium Breton, Gwalarn, Feiz ha Breiz, La Bretagne à Paris, L’Ouest-Eclair, Arvor, SAV, La dépêche de Brest et celle de l’Ouest… Une flamme brûle en lui, celle du paganisme ! Né aux confins du Pays Pagan, il exaltera constamment cette appartenance, et répandra toujours chez ses compatriotes la philosophie païenne qui lui était naturelle. A tous ceux qu'il côtoie dans la nébuleuse des associations, dans celles qu'il crée lui-même, - Hospitaliers Sauveteurs Bretons, Union Sportive des Bretons de Paris, Les Finistériens de Paris, Le Club nautique d'Alfortville, Les ajoncs d'Alfortville, le PNB... - il offre sa force et sa foi inaltérables. C'est hanté d'une âme étrange où vibre la grande santé païenne qu'il fonde au coeur de Paris l'Association Kêrvreizh, que j'anime aujourd'hui en reprenant le flambeau de ma lignée.